Saddle fitting, bit fitting : mieux comprendre pour mieux équiper son cheval
Quand on parle de bien-être équin, on pense souvent à l’alimentation, aux soins ou au mode de vie… mais le matériel reste trop souvent oublié. Pourtant, une selle mal ajustée ou un mors inadapté peuvent provoquer douleurs, comportements problématiques, baisse de performance… voire des blessures graves pour le cheval et le cavalier.
Pour en parler, nous avons interviewer Eugénie Cottereau, pionnière du saddle fitting en France, formatrice et entrepreneuse passionnée, à la tête de Ergonomie Équestre depuis plus de 10 ans.
Source image : ergonomie-equestre.fr
1. Quelle est la différence entre un saddle fitter, un bit fitter et un sellier ?
« Beaucoup de cavaliers confondent encore ces rôles, à cause d’un flou entretenu parfois volontairement par certains commerciaux. »
Le sellier, un artisan du cuir
Un sellier est avant tout un artisan diplômé (CAP, Brevet, etc.) formé à la fabrication d’articles en cuir. Mais attention : tous les selliers ne fabriquent pas de selles ! Beaucoup sont en réalité des bourreliers, historiquement spécialisés dans la fabrication de harnais pour les chevaux d’attelage.
Le sellier harnacheur, quant à lui, est celui qui fabrique des articles spécifiquement pour l’équitation, notamment les selles. Aujourd’hui, seuls quelques artisans spécialisés continuent de produire artisanalement.
Saddle fitter & bit fitter : des adaptateurs-conseillers
Le saddle fitter (adaptateur de selle) et le bit fitter (adaptateur de briderie et mors) ne fabriquent pas. Leur rôle est d’évaluer, conseiller, tester et ajuster le matériel existant ou à acquérir en fonction du couple cheval-cavalier.
Ces deux métiers encore émergents en France ne sont pas réglementés, ce qui signifie que les niveaux de formation, d’expérience et de professionnalisme peuvent varier énormément.
Leur travail repose sur :
-
Une analyse complète du cheval et du cavalier
-
Des essais en conditions réelles
-
Des préconisations techniques personnalisées
-
Et, si nécessaire, une vente de matériel adaptée, mais jamais imposée
« Le conseil est le cœur du métier. Il est donc souvent facturé à part de la vente, pour garantir objectivité et indépendance. »
⚠️ Si le conseil est “gratuit”, c’est souvent que la séance est pensée avant tout comme un acte commercial, avec une pression plus forte à l’achat.
Source image : ergonomie-equestre.fr
2. Comment se déroule une séance type de saddle fitting ou bit fitting ?
« On ne fait pas la même séance pour un jeune cheval tout juste débourré… que pour un cheval de Grand Prix ! »
Chaque séance est entièrement personnalisée, en fonction de l’âge, du niveau,... et bien sûr du motif de consultation :
👉 « Vérifier que tout va bien », « Mon cheval sort la langue avec le mors », « Je cherche une nouvelle selle de dressage »… tout commence par la demande du cavalier.
Étape 1 : anamnèse, observation, analyse
Avant de monter en selle, le saddle/bit fitter passe par une analyse complète du couple :
-
Recueil d’informations détaillées (contexte, objectifs, éventuels blocages)
-
Observation du cheval au repos : conformation, posture, palpation
-
Observation en mouvement : locomotion non montée
-
Analyse du cavalier : morphologie, motricité, posture
-
Vérification du matériel existant : réglages, usure, adéquation
« On ne passe pas à cheval tant que toute cette étape n’est pas bouclée. C’est la base de tout. »
Étape 2 : essais ciblés, un par un
C’est ici que commence la phase qu’Eugénie surnomme :
👉 "le personal shopping du cheval".
Le professionnel sélectionne quelques options cohérentes et compatibles avec les besoins du couple. Ensuite, les tests se font en conditions réelles, en respectant deux règles d’or :
1- Ne pas tout essayer : « Comme dans une boutique, essayer 15 articles à la suite embrouille plus qu’autre chose. Il faut rester clair et doux. »
2- Changer un seul paramètre à la fois : « Sinon, on ne sait pas ce qui fonctionne. Était-ce le mors ? La sangle ? Le filet ? »
On teste, on observe, on ajuste… jusqu’à trouver la combinaison gagnante sur laquelle on termine la séance.
Étape 3 : si besoin, prévoir plusieurs rendez-vous
Quand un cheval (ou un cavalier) a été lésé ou traumatisé par du matériel inadapté, le corps a besoin de temps pour se réajuster.
« Vouloir tout régler en une seule séance est contre-productif. Il vaut mieux avancer doucement, mais durablement. »
source image : ergonomie-equestre.fr
3. Quels signes doivent alerter ?
« Un cheval qui mord le mur ou couche les oreilles quand la selle arrive… ce n’est pas un cheval qui a du caractère, c’est un cheval qui communique un mal-être. »
Eugénie Cottereau distingue trois niveaux de signaux d’alerte, du plus visible au plus subtil et chacun mérite d’être écouté avec attention :
1. Les blessures visibles
Ce sont les signaux les plus graves… et les plus évidents :
-
Plaies ouvertes
-
Hématomes
-
Frottements chroniques
-
Gonfles, échauffements
👉 Stop immédiat du travail : Un cheval ou un cavalier blessé ne doit jamais continuer à être équipé ou monté sans diagnostic. Le matériel doit être vérifié en priorité. et chacun mérite d’être écouté avec attention.
2. Les comportements d’alerte
Les réactions émotionnelles ou comportementales sont parfois mal interprétées : « On dit souvent “il a du caractère”... alors qu’en réalité, il signale un inconfort. »
À surveiller :
-
Cheval qui refuse le mors ou bouge au montoir
-
Défenses à l’enrênement
-
Mouvements brusques (coups de dos, ruades légères)
-
Changement de comportement à l'approche du tapis ou de la selle
Côté cavalier aussi, certains réflexes doivent alerter :
-
Escalade des enrênements ou des mors
-
Sentiment d’être “nul” ou impuissant
-
Conflit constant avec sa monture
« Parfois, le cavalier pense qu’il est nul, alors qu’il essaie juste de vider l’océan avec une cuiller. »
3. Les blocages techniques
Moins visibles, mais tout aussi révélateurs :
-
Difficultés d’incurvation d’un côté
-
Résistance à rester sur la main
-
Cavalier déséquilibré en suspension
-
Défaut de souplesse, de poussée ou de régularité
Ces signes sont souvent corrélés à des tensions musculaires ou des déséquilibres posturaux, parfois détectables aussi par les ostéopathes ou thérapeutes équins… mais attention :
« Beaucoup donnent des conseils de fitting sans être formés. Comme on ne demande pas à un maçon de réparer l’électricité, on ne demande pas à un ostéo de régler une selle. »
💡 Un exemple marquant
Eugénie se souvient d’un cheval très introverti, atteint d’ulcères gastriques sévères :
« Son seul signal, c’était qu’il bloquait sa respiration au sanglage. Pas un mouvement, pas une grimace. Juste ça. »
Ce genre de cas montre combien l’écoute subtile et la formation sont clés pour détecter l’inconfort silencieux.
4.Quels risques concrets un matériel mal ajusté peut-il engendrer ?
« Le vrai gros risque, c’est la douleur. Pour le cheval et pour le cavalier. »
On pense souvent qu’un bon matériel est un luxe, ou un simple levier de performance… En réalité, il conditionne tout : le confort physique, le bien-être mental, la progression, la confiance.
Eugénie explique : « On veut souvent un matériel adapté pour être plus performant OU pour respecter son cheval… Mais tout est lié : pas de confort physique = pas de bien-être mental = pas de performance durable. »
Ce qu’un mauvais matériel peut provoquer :
1. Des douleurs physiques
-
Plaies, gonfles, échauffements
-
Raideurs, tensions chroniques
-
Blocages posturaux
-
Inflammation ou dégradation articulaire
2. Une détérioration du moral
-
Agressivité, isolement, défenses
-
Refus de coopérer
-
Perte de motivation, stress, déprime
3. Des problèmes équestres
-
Régression technique
-
Résistances sous la selle ou à la main
-
Recours à des moyens coercitifs (enrênements, éperons, mors plus durs…)
Et parfois, la relation elle-même se dégrade : perte de plaisir partagé, frustration, découragement.
« Ce qui m’intéresse, c’est d’aider le couple cheval-cavalier à évoluer harmonieusement, dans le confort, la connexion et la durée. Le matériel ne fait pas tout, mais c’est un levier déterminant. »
Une selle ou un filet bien ajusté, c’est bien plus qu’un confort. C’est un engagement envers son cheval, une manière de prendre soin de lui… pour longtemps.
Cette première plongée dans l’univers du saddle et bit fitting montre à quel point le matériel, souvent considéré comme un simple outil, a un impact profond sur la santé, le confort et la connexion entre cheval et cavalier.
Écouter son cheval, apprendre à observer les signaux, s’entourer de professionnels compétents : ce sont là des clés essentielles pour monter juste, durablement… et avec respect.
👉 Rendez-vous très bientôt pour la deuxième partie !