Les défis du Made in France en équitation
Fabriquer localement dans le secteur équestre n’est pas un simple choix marketing : c’est un véritable engagement technique, économique et éthique, qui implique de surmonter de nombreux obstacles.
Pour mieux comprendre ces défis, nous avons interviewé trois acteurs du secteur : Morgane Carcaillet (Tacante), Andy Chansel (fondateur du Cavalier Bleu) et les fondatrices de In Horse We Trust. Ensemble, ils nous aident à décrypter les paradoxes du “Made in France” dans l’univers équestre.
Nous les remercions chaleureusement pour le temps qu’ils nous ont consacré et pour les précieux enseignements qu’ils partagent sur leurs réalités quotidiennes. Tous se battent pour rendre notre sport plus durable et se faire une place au milieu des grandes marques, tout en défendant leurs convictions.
Nous espérons que leurs témoignages éveilleront les consciences et vous donneront envie de consommer moins, mais mieux ! Après tout, c’est aussi l’essence de Preppy. 💛
👩💼 Qui sont-ils ?
- Morgane Carcaillet, 42 ans, fondatrice de Tacante, pionnière du textile écoresponsable pour chevaux. Depuis 10 ans, elle conçoit des produits techniques, durables et éthiques, et s’attache à développer une filière française pour le textile équestre.
- Andy Chansel, cavalier et professionnel du secteur, fondateur de Le Cavalier Bleu, agence de communication et marketing pour marques équestres. Ancien responsable de la division équitation chez Racer, il connaît parfaitement la réalité industrielle et les besoins des cavaliers.
- Les fondatrices de In Horse We Trust, deux passionnées d’équitation basées en Alsace, spécialisées dans la sellerie et les équipements en cuir. Elles assurent production, ventes et suivi artisanal des clients, avec un engagement fort sur la qualité et la personnalisation.
🧵 Les défis de la fabrication locale
Fabriquer en France dans le secteur équestre, c’est souvent un véritable parcours du combattant.
Pour Morgane Carcaillet, « le principal défi a été de tout construire de zéro ». Le marché ne disposait d’aucune filière textile équestre locale : il a fallu convaincre des ateliers, recréer des savoir-faire, gérer les matières premières écoresponsables et atteindre un volume viable, loin des standards industriels asiatiques. « Même aujourd’hui, avec la crise du textile, continuer à produire en France reste un challenge quotidien », ajoute-t-elle.
Andy Chansel complète : « Le premier frein, ce sont les volumes. Le marché équestre reste une niche, et un atelier français réclame des séries de 1 000 à 2 000 pièces minimum pour être rentable. » À cela s’ajoutent le manque de machines adaptées aux matières techniques (softshell, grip silicone, mesh respirant) et une main-d’œuvre plus coûteuse, souvent trois à six fois moins rapide qu’à l’étranger.
Chez In Horse We Trust, le défi est artisanal. « Les savoir-faire spécifiques deviennent rares, les tanneries ont fermé, et les ateliers capables de travailler pour l’équitation sont peu nombreux. » Les matériaux techniques comme les élastomères ou les métaux de qualité connaissent aussi des fluctuations de prix importantes, ce qui complique la production.
Tous soulignent que trouver des ateliers fiables et accessibles est un vrai casse-tête. Les rares structures capables d’accompagner les jeunes marques exigent anticipation, investissement et partenariats de confiance.
Source image : Instagram @tacante - Photo par @hpalprod
💰 Le vrai prix du “Made in France”
Le coût est souvent perçu comme le frein majeur à la consommation locale, mais il cache en réalité une équation plus complexe.
Pour Andy, « fabriquer 100 pantalons en France coûte autant que 2 000 au Maghreb. Mais il faut éduquer les consommateurs à la valeur réelle d’un produit ».
Chez Tacante, Morgane insiste : « Produire éthique, durable et local, ça a un prix. Mais acheter pas cher a un coût caché — environnemental, social et qualitatif. Acheter moins mais mieux est une philosophie que nous défendons chaque jour. »
Les fondatrices de In Horse We Trust ajoutent un autre angle : « Nos clients comprennent nos prix quand ils réalisent que nos produits sont réparables, personnalisables et durables, adaptés à des besoins spécifiques de chevaux ou cavaliers. »
Morgane souligne aussi que le problème dépasse le simple coût économique : « Le vrai frein est le manque de volonté collective. Si la FFE ou les institutions montraient l’exemple en achetant français, la filière se structurerait naturellement. »
🏇 Un marché encore partagé
Le monde équestre est-il prêt à soutenir une production locale ?
Les avis convergent : oui, mais avec des nuances. Les cavaliers sont de plus en plus sensibles à la provenance des produits, mais le prix et le style restent des critères déterminants.
Andy résume avec lucidité : « Le client veut tout : pas cher, éthique, durable, solide, local… sans accepter la réalité derrière ces exigences contradictoires. »
In Horse We Trust observe une distinction nette : « Les professionnels recherchent avant tout la technicité et la fiabilité. Les amateurs sont sensibles au style et au prix, même si la durabilité et l’éthique progressent. »
Pour Morgane, certains amateurs des disciplines olympiques peuvent être plus attentifs à l’origine des produits que certains professionnels, parfois freinés par les contraintes financières et le sponsoring. Elle insiste également sur le rôle du marketing : « Les cavaliers doivent parfois mener leur petite enquête pour distinguer le vrai Made in France du marketing qui y ressemble. »
🌱 Solutions pour encourager le Made in France
Tous s’accordent sur l’importance d’une démarche collective et de solutions concrètes :
- Optimisation industrielle et artisanale : Andy évoque l’optimisation des patrons, la mutualisation des matières et l’automatisation de certaines opérations. In Horse We Trust mise sur la modernisation des ateliers pour améliorer l’efficacité sans sacrifier la qualité.
- Visibilité et communication : Morgane plaide pour que les médias valorisent davantage les marques responsables et les démarches locales, même sans budget publicitaire, afin de rendre le Made in France accessible et visible.
- Engagement des cavaliers : réfléchir avant l’achat, privilégier durabilité et réparabilité, soutenir les marques locales et transparentes, et ne pas céder uniquement à la tentation du prix bas.
Source image : Instagram @in_horse_we_trust
✨ Message aux consommateurs et actions collectives
Le message est clair : chacun peut agir pour soutenir le Made in France et une équitation durable.
- Pour les cavaliers : achetez moins mais mieux, privilégiez la seconde main et la réparabilité, soutenez les marques locales et transparentes, posez des questions sur l’origine et la production.
- Pour les marques : être pédagogues et transparentes, montrer concrètement le savoir-faire, la qualité et les matériaux utilisés.
- Pour les médias : relayer les initiatives locales, raconter la réalité industrielle, valoriser les démarches responsables et innovantes.
Morgane conclut : « Cherchez un peu au-delà de ce que fait votre voisin. Derrière certaines petites marques se cachent des passionnés qui essaient simplement de produire mieux. »
Andy ajoute : « Ne vous arrêtez pas à l’étiquette. Soutenez les marques qui produisent en France ou ailleurs, mais de manière transparente et responsable. »
In Horse We Trust conseille : « Réfléchissez avant l’achat, privilégiez durabilité, sécurité et confort pour vos chevaux, et apprenez à reconnaître le vrai Made in France. »
Conclusion : agir pour un équitation plus durable
Fabriquer et consommer local dans le monde équestre est un défi, mais c’est aussi une véritable opportunité : soutenir des savoir-faire, réduire l’impact environnemental et encourager des pratiques éthiques. Comme le soulignent Morgane, Andy et les fondatrices de In Horse We Trust, chaque acteur – cavaliers, marques et médias – a un rôle à jouer pour rendre le sport plus responsable.
Pour les cavaliers, il s’agit de consommer moins mais mieux, de privilégier la durabilité, la réparabilité et de s’intéresser à l’origine des produits. Pour les marques, l’engagement passe par la transparence et la pédagogie. Et pour les médias, il est essentiel de mettre en lumière les initiatives locales et responsables, afin que ces efforts soient visibles et valorisés.
😊 Pour aller plus loin, découvrez nos autres articles sur la consommation responsable dans l’équitation :
- 5 initiatives environnementales de marques équestres : vers une consommation plus responsable – 2 autres volets sont disponibles sur notre blog : partie 2 et partie 3.
- Les selliers Made in France : artisanat, savoir-faire et qualité – un focus sur les acteurs de la sellerie locale.
Ensemble, nous pouvons contribuer à un univers équestre plus durable, où la qualité, l’éthique et le respect de l’environnement priment sur la production de masse. Parce qu’au final, soutenir le Made in France, c’est aussi prendre soin de nos chevaux et de notre sport !